KIM Choun-soo

 

                           (traduit et présenté par Chang-kyum KIM )
 


    Né à Choungmou dans la province Kyongnam en Corée du Sud en 1922, KIM Choun-soo a fait ses études à l’école secondaire Kyongki et à l’Université du Japon. Après son premier recueil Le nuage et la rose en 1948, il a publié de nombreux poèmes importants dans l’histoire de la littérature coréenne. Le prix Association des Poètes Coréens et celui la Littérature de la Liberté lui ont été décernés. Il fut professeur de littérature coréenne à l’Université Kyongnam et Yongnam pendant de longues années. Parmi ses recueils majeurs, il y a le Drapeau , La lune mouillée en pluie , Après Choyong , etc. Les deux derniers ouvrages, Morceaux Choyong et L’entendu, Dostoïevski sont considérés comme ses recueils les plus importants.
 
 
              La poétique du talisman et sa force

 
    On peut dire qu’il n’y a pas de lien strict entre les Morceaux Choyong de KIM Choun-soo et le conte traditionnel « Choyong  ». D’ailleurs ce conte n’est pas directement présent dans les Morceaux Choyong, pas plus que « la cantatrice chauve » n’est présentée dans la pièce d’Ionesco : le titre ne définit pas le contenu, mais il joue un rôle important dans son habitation particulière en une oeuvre.
    Cependant la connaissance du conte « Choyong » est très importante pour comprendre le poème de KIM Choun-soo dans la mesure où les Morceaux Choyong inaugurent une poétique du talisman. Tout en donnant à voir le paysage du dedans et le spectacle de l’exorcisme, les Morceaux Choyong créent une forme singulière de musique, inspirée par la poésie chinoise ancienne (ce qui apparaît dès le titre). La fonction principale du talisman, dans le cadre du chamanisme, consiste à chasser les maux et les mauvais esprits, par exemple comme le dieu de la variole présentée dans le conte « Choyong ».
    Chez KIM Choun-soo, le mal est l’histoire, comme il l’a avoué dans sa déclaration sur les Morceaux Choyong, en rejetant par-là les attitudes des poètes ou des écrivains attachés à l’histoire et à la société réelle plutôt que tentés par une aventure nouvelle. La signification littéraire du talisman n’est pas identique à celle du talisman du monde réel. Dans le second cas le talisman agit contre des maux socialement identifiés, tandis que dans le premier cas il est un produit de l’esprit d’un auteur qui propose une nouvelle vison du monde. C’est la raison pour laquelle une recherche sur la raison de la justice n’est pas la même entre le talisman poétique et le talisman réel. Lao-tseu, n’a-t-il pas dit dans le Tao-töking ? : «tout le monde tient le beau pour le beau, c’est en cela que réside sa laideur, et tout le monde tient le bien pour le bien, c’est en cela que réside son mal. » 
    Lorsque la première partie des Morceaux Choyong fut publiée à la fin des années 60, KIM Choun-soo fut fort critiqué par des écrivains « engagés », et ne fut défendu que par une minorité. A vrai dire, il était alors difficile de bien comprendre le dessein de cette oeuvre, qui ne fut achevée qu’en 1991. Mais aujourd’hui, les Morceaux Choyong sont considérés par de nombreux critiques comme une perle rare dans l’histoire de la littérature coréenne.
    Je schématise ici le conte « Choyong », extrait du Samgoukyusa (livre de la petite histoire), en laissant ouverte aussi une réflexion sur un rapport entre le talisman, le mal et la poétique de KIM Choun-soon, avec la question suivante : quel est le mal d’aujourd’hui, et où se trouverait la véritable force du talisman qui est capable d’apaiser ce mal? :


    « Le fils du roi du dragon de Donghai (la mer de l’est), Choyong épouse une fille, fort belle, du monde des hommes grâce à la faveur du souverain du royaume terrestre. Un jour, en rentrant chez lui, il découvre sa femme faisant l’amour avec un dieu de la variole. Mais Choyong se content de chanter et danser sans autrement réagir. A ce spectacle, le dieu de la variole est touché fortement, et, à genoux dit  : " c’était à cause de mon amour aveugle pour votre femme, mais vous n’étiez même pas en colère... Désormais, je vous promets que je n’aurai plus l’audace de me  présenter près de chez vous, même si je ne vois que votre visage figuré
 

    À la suite de cet événement, tous les gens du pays accrochèrent le portrait de Choyong sur leurs portes, et réussirent à chasser tous les dieux de la variole. C’est ainsi qu’il apportèrent chance et bonheur à tous les gens du pays ».



    Ce conte Choyong fait partie d'une des origines du talisman en Corée.

 
 
 

                                                                      (Po&sie n°88, éditions Belin, 1999)